Face au désaccord qui a émaillé les discussions entre l’État et les organisations syndicales et patronales, le décret de Joseph Dion Ngute instaure, pour la première fois dans le pays, trois SMIGs distincts, selon les secteurs d’activités.
Ainsi, le SMIG pour les agents de l’État relevant du code du travail passe de 36 270 FCFA à 41 875 FCFA. C’est le montant unique déjà proposé par l’État aux syndicalistes pour tous les travailleurs, lors des négociations de janvier 2023, en guise de mesure d’accompagnement visant à réduire l’impact de la hausse des prix du carburant sur le pouvoir d’achat. Cette proposition alors refusée par les syndicats, est finalement retenue, uniquement pour les agents publics relevant du code du travail.
Les employés du secteur agricole et assimilés, qui cumulent la main d’œuvre la plus importante du pays, selon les données officielles, voient leur SMIG passer de 36 270 FCFA à 45 000 FCFA.
Dans les autres secteurs d’activité, le SMIG passe à 60 000 FCFA, selon le décret du PM. Ce montant contente les syndicalistes, qui avaient d’abord exigé un SMIG à 100 000 FCFA, avant de finalement adouber le montant de 60 000 FCFA proposé par le patronat (GICAM et ECAM).
L’on se souvient d’ailleurs qu’afin de contraindre le gouvernement à adopter le montant de 60 000 FCFA comme SMIG unique pour tous les travailleurs, les confédérations syndicales regroupées au sein du Cameroon Workers Forum (CAWOF) avaient appelé à une « mobilisation générale » des travailleurs du 15 février au 15 mars 2023. Un appel qui n’a pas été suivi.
Au demeurant, malgré la victoire remportée sur le SMIG à 60 000 FCFA, les syndicats font remarquer qu’« en faisant état d’un SMIG pour les agents de l’État relevant du code du travail et d’un autre formulé pour le secteur privé, tous pourtant régis par le même code du travail », le gouvernement camerounais viole les dispositions de l’article 62 du code du travail. En son alinéa 1, cet article dispose qu’« un décret pris après avis de la commission nationale consultative du travailleur fixe le salaire minimum interprofessionnel garanti » et non des SMIGs, comme c’est le cas depuis le 21 mars 2023 au Cameroun.
Au sujet du décret du premier ministre sur le SMIG, l’opinion des Camerounais est divisée.
« Le décret du 21 mars 2023 fixant le Salaire Minimum Interprofessionnelle Garanti (SMIG) intervient après des spéculations vives sur l’éventualité de la révision à la hausse du SMIG au Cameroun.
Même si l’on peut penser lucidement que les nouveaux SMIGs tels que prévus dans ledit décret sont regrettables quand on sait ce que vivent les Camerounais au quotidien, toute chose qui, de ce fait, laisse penser que le débat n’a pas été mené en considération juste de la vibration du tissu social, l’on peut néanmoins louer cette avancée.
Ce qu’il y a lieu de craindre à l’avenir c’est ce à quoi l’on est coutumier, à savoir que le contrôle du respect effectif des dispositions règlementaires qui sans conteste assure la pénétration de la règlementation dans le corps social, ne suivra pas énergiquement. Il faut ici espérer que l’exécutif parfasse son œuvre en veillant à la mise en application immédiate sur le terrain des dispositions règlementaires. Le judiciaire devra également jouer son rôle de dernier rempart afin que cette évolution ne soit pas finalement une promesse de Gascon », affirme Alexis Bikoa Emande, Juriste.« C’est bien beau les textes, mais faudrait s’assurer de leur application, car lorsqu’on est sur le terrain est ce que cela est respecté ?
Sur le terrain avec la misère ambiante dans laquelle nous vivons, quelqu’un va te présenter 30, 35 000 FCFA où tu dois gérer tes factures et autres que faut-il faire ?
Pour nous qui travaillons dans ça où on touche moins, qu’est ce que tu vas faire ? Tu vas demander à ton patron une augmentation afin d’atteindre le SMIG? Ce qui n’est pas évident. Il va te mettre dehors simplement et va chercher quelqu’un qui répond à ses attentes.
Donc c’est bien beau les textes mais il faudrait s’assurer de leur applicabilité. Dans les structures privées, surtout avec nos ménagères que nous employons à 30, 35 000 FCFA, que cela soit respecté.
Nous espérons que des structures existent afin de dénoncer les cas d’abus pour permettre aux autorités de réagir promptement, si non ça restera que des textes qui n’auront pas d’impact sur le quotidien des travailleurs camerounais car c’est le but escompté », déplore Pascal YAKANA, enseignant.
« Qu’est ce que 60 000 FCFA peuvent faire à un Camerounais qui est en location, et qui a des enfants à nourrir bien qu’étant salarié? Dans 60.000 FCFA, c’est lui qui paie son taxi, sa nutrition, mais il va travailler 60 000 FCFA pour des gens qui volent des milliards… En quoi est-ce que 60 000 FCFA aideront ce jeune salarié qui a des projets pour son avenir ?
C’est se moquer des citoyens camerounais. Lui même qui signe le décret de 60 000 FCFA est-ce que son chien consomme cette somme d’argent ? La ration hebdomadaire de son fils coûte combien ? C’est se moquer du bas peuple, des Camerounais qui souffrent que nous sommes… Pour ma part ça ne sert à rien cet augmentation du SMIG…», pense un citoyen camerounais.