La liberté de la presse garantit aux journalistes la possibilité d’enquêter librement et d’informer les citoyens sur les sujets de leur choix. Grâce à elle, les médias sont libres de diffuser des avis différents, de commenter, de débattre et de critiquer. Les journalistes revendiquent le libre accès à toutes les sources d’information et le droit d’enquêter librement sur tous les faits qui conditionnent la vie publique. Le secret des affaires publiques ou privées ne peut en ce cas être opposé au journaliste que par exception en vertu de motifs clairement exprimés.
La protection des sources d’information des journalistes, sans exceptions ni restrictions, est considérée comme « l’une des pierres angulaires de la liberté de la presse ». Souvent confondue avec le secret professionnel, qui était son appellation initiale dans les chartes de déontologie, elle s’en distingue pourtant fondamentalement et n’est pas assurée de manière uniforme dans tous les pays industrialisés.
Les atteintes à la liberté de la presse se manifestent au Cameroun.
D’une part, l’entrave au pluralisme et l’indépendance des rédactions, notamment : La concentration des médias par de grands groupes industriels, les pressions fiscales, les pressions financières, les pressions politiques ; d’autre part, l’entrave au métier de journaliste, notamment : L’assassinat de journalistes, l’emprisonnement, l’enlèvement, l’agression, les menaces de journalistes.
Au Cameroun, la liberté de la presse reste encore une notion ambiguë au regard des événements qui se succèdent. Alexis Bikoa Emande juriste dresse un bilan de la situation de la presse au Cameroun
« La liberté de la presse est une notion au contenu instable en raison de l’influence de l’évolution du tissu social et des moeurs dans un État. Et cette instabilité au Cameroun est très accrue en ceci que non seulement le tissu social qui est considéré pour beaucoup comme une peau de panthère, des moeurs qui nous sommes propres, mais aussi et surtout précisément la volonté à peine voilée du politique de contrôler ce qui s’apparente de plus en plus et sans conteste à un quatrième pouvoir. Le président de la République, il faut le dire, dans la mise en oeuvre de son idéologie qui prône le libéralisme a permis à la presse de se déployer tel que l’on ne le voyait pas, en tout cas sous l’ancien régime où à vrai dire l’on assistait à ce qui convient d’appeler ici un bayonnement de la presse ».
Chaque année, l’ONG Reporters sans frontières (RSF) établit une liste des pays du point de vue de leur liberté de la presse. Le classement mondial de la liberté de la presse est fondé sur les réponses aux enquêtes envoyées aux journalistes membres d’organisations partenaires de RSF, aussi bien qu’aux spécialistes de la question : Les chercheurs, les juristes et les activistes des droits de l’Homme.
« Les efforts du gouvernement allant dans le sens de permettre à la presse de gagner en liberté sont évidents. (RSF) renseignait quand même que le Cameroun qui occupait la 135e place sur 180 dans le classement des pays à haut risque pour les journalistes, occupe en 2022 la 118e place ; donc des efforts sont louables. cependant, si ce classement a eu une certaine tristesse due aux récents événements malheureux que l’on ne dénie pas, il reste que sur ce coup les efforts sont admirables », explique Merveille Kouadjeu, journaliste.
L’enquête porte sur des attaques directes faites aux journalistes et aux mass-média aussi bien que d’autres sources indirectes de pression contre la presse libre, comme la pression sur les journalistes par des lobbies. (RSF) note que le classement se préoccupe seulement de la liberté de presse et ne mesure pas la qualité du journalisme ni l’autocensure.
« Je crois au demeurant que le Cameroun a encore du chemin à faire sur la liberté de la presse. Il importe tout de même de dire que si l’on peut trouver une certaine légitimité du politique à influencer le médiatique, il faut du relâche que la presse au Cameroun qui est manifestement au bord de l’agonie puisse être ce qu’elle peut être à savoir un instrument de mesure du jeu démocratique », déclare Alexis Bikoa Emande.
Le classement de (RSF) varie chaque année, en 2010 il établit les pays où la presse est la plus libre comme étant la Suède, la Finlande, les Pays-Bas et la Norvège, et range l’Iran, le Turkménistan, la Corée du Nord, et l’Érythréeaux dernières places. Les États-Unis et la France gravitent autour de la 40e place en 2014
D’après le classement mondial de la liberté de la presse de (RSF) de 2014, l’Asie orientale, le Moyen-Orient et le nord-ouest de l’Afrique seraient les pires régions du monde pour la liberté de la presse et d’après le rapport, le facteur aggravant est la présence d’un conflit, comme l’atteste la chute de l’Égypte, de la Syrie, du Mali et de la République centrafricaine.
Par ailleurs, les violences internes et les actes terroristes minent certains pays comme le Mexique, l’Irak, l’Iran, la Somalie, la République démocratique du Congo ou le Nigeria, le Cameroun.
Ruben Tchamko homme de médias fait le constat. « En tant qu’acteur de la société civile je ne pense pas que la presse camerounaise est libre. Aucunement parce que c’est une liberté qui est assujettie à une épée de damoclès ; si tu vas vers la gauche il y’a une lame qui va te blesser, à droite une autre lame, tu essaies d’avancer il y’a un trou, si tu recule il y’a un brasier, les journalistes sont toujours contraints ou alors étouffés dans leur élan de recherche, de traitement et de diffusion de l’information. Donc c’est un peu difficile d’être journaliste dans notre pays parce que on a peur d’être retenu par la cullote à chaque fois. Eh bien je vous fais grâce de tout ce qui y’a comme menace ; assassinat, tout ce qui y’a comme contrainte. Maintenant ça va de soi que l’on ne puisse pas parler de la liberté de la presse dans notre pays parce que personne n’est libre sinon c’est une utopie, une liberté qui ne se vit qu’en rêve ».
« Regardez simplement les derniers événements qui ont eu opinions dans notre société ; les journalistes qui sont menacés, torturés, et même assassinés. Donc c’est difficile d’exercer ce métier dans notre pays quant on sait qu’on est un pays de liberté et de démocratie mais il y’a toujours une épée de Damoclès qui plane sur la tête de chaque journaliste dans l’exercice de ses fonctions », poursuit-il.
La recrudescence des violences pousse l’Assemblée générale des Nations Unies à adopter en novembre 2013 la première résolution sur la sécurité des journalistes et sur la création de la Journée internationale contre l’impunité des crimes contre les journalistes.
Doté d’un paysage médiatique parmi les plus riches du continent, le Cameroun n’en est pas moins l’un des pays les plus dangereux d’Afrique pour les journalistes. Les professionnels de l’information y évoluent dans un environnement hostile et précaire. L’organe régulateur des médias au Cameroun le CNC rappele les dispositions du décret de janvier 2012 réorganisant le CNC qui fait de cette instance le garant de la promotion de la liberté de la communication sociale au Cameroun.
Les différentes lois, dont celle régissant la liberté de la presse datant de 1990, sont largement contournées pour être mises au service de la répression du journalisme. La dépénalisation des délits de presse n’est pas encore à l’ordre du jour, et l’accès à l’information, de même que la protection des sources, ne sont pas garantis dans les faits.
Il est fréquent que des professionnels des médias soient traduits devant des tribunaux d’exception, à l’instar de l’ex-directeur général de la CRTV, condamné à 12 ans de prison ferme et à verser une lourde amende pour “détournement de fonds publics”, après presque sept ans de détention préventive – qualifiée d’arbitraire par l’ONU. La loi antiterroriste de 2014 et un tribunal militaire avaient été utilisés en 2015 pour maintenir en prison le correspondant de RFI pendant deux ans et demi.
Les journalistes camerounais, notamment les journalistes de médias privés, travaillent dans des conditions de précarité extrême, nuisant considérablement à leur indépendance. L’aide à la presse existe, mais son montant est jugé insuffisant et sa distribution dépend de l’alignement des médias sur les positions défendues par le régime. Des proches du pouvoir peuvent également créer des médias de toutes pièces pour affaiblir économiquement un autre titre critique devenu gênant. La corruption et le favoritisme sont monnaie courante.