Triste nouvelle dans la périphérie nord-ouest de Yaoundé, les populations non loin du lieu-dit “Carrefour ministre” du quartier Mbankolo, sont ensevelies. Le bilan provisoire fait état d’une vingtaine de blessés et d’au moins 27 morts, péris dans cet effondrement.
Des instincts grégaires, les habitants de ce quartier ont jadis été avertis et mis en garde à une éventuelle catastrophe qui pourrait coûter la vie. Sandra Mamekem, ancienne domiciliaire de Mbankolo, fait un tracé historique et dit avoir quitté les lieux à course de marathon, il y a fort longtemps :
« Une étude chinoise avait été menée il y a près de 10 ans et prévoyait que les catastrophes de ce genre devraient arriver dans 20 ans. dès lors les autorités administratives nous ont demandé de quitter les lieux en marquant des indices sur les mûres. Nous étions la 19e maison à détruire. Mbankolo est un quartier à risque, ma famille a été victime d’un accident lors d’une pluie en 2017. Elle avait cassé nos murs et mes petits frères étaient blessés. Nous avons trouvé mieux de quitter rapidement pour s’installer à Nkozoa. Je pense que les autres habitants devaient suivre mon exemple et laisser cet espace complément vide. »
Ce n’est pas une première. Les habitants de Yaoundé en ont déjà vécus de ce genre. Pour briefing, le 27 novembre 2022, environs 15 personnes avaient trouvé la mort dans l’éboulement d’un pan de colline au quartier Damas, au sud de Mbankolo, où les pluies torrentielles avaient fait écrouler un terrain vague à flanc de colline sur lequel une foule assistait à un hommage funéraire.
Mais où en sommes-nous ?
Sans doute dans la cité capitale, la ville aux sept collines. Au sommet du mont Mbankolo, se trouve un mini-lac, bordé par une digue en béton. Les eaux du lac ont certainement débordées, brisant la digue et emportant sans rien laisser sur leur passage. Des habitants surpris, c’est le cas d’une famille victime, perdant à la fois 9 enfants qui étaient en pleine célébration d’un anniversaire.
Inconsolable, assise sur les décombres au pied d’un manguier, (L’un des rares ayant résisté à la furie des eaux), Eveline déclare la perte de son enfant et sa belle-sœur dans ce drame : « J’ai entendu un bruit très fort. Mon petit frère qui était dehors a crié, ma famille va mourir. Il a bondi dans l’eau, dans l’espoir de sauver sa femme, son bébé et mon enfant qui était chez eux. Mais il n’y est pas parvenu. Tous sont morts, excepté ce bébé de trois semaines qui a été miraculeusement retrouvé vivant dans la nuit. »
Une frayeur et des sentiments de compassion. On se souvient encore des 42 morts du 28 octobre 2019 à Gouache, dans le troisième arrondissement de Bafoussam. Leur mort a provoqué l’émoi dans le pays. Et selon le ministre de l’administration territoriale, Paul Atanga Nji, descendu sur le terrain après le drame, « Ces maisons ont été construites dans une zone dangereuse ».
Sur le site, l’on peut apercevoir quelques personnalités Camerounaises. Le président du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), Maurice Kamto a rendu hommage aux victimes du drame.
« Le drame de Mbankolo remet sur la table la question harcelante du développement territorial et celle de l’urbanisme. Combien de tragédies dues à l’absence de rationalisation de la gestion de l’espace urbain faudra-t-il pour que ceux qui sont au pouvoir comprennent que gouverner signifie anticiper ? »
Accompagné du préfet du département du Mfoundi, Franck Emmanuel Biya a passé près d’une heure aux collines meurtrières de Mbankolo. Il est allé apporter son soutien et son réconfort aux victimes.
À qui la faute ?
La question est certainement en voie de dépassement. La balance pèserait peut-être plus du côté du gouvernement, et les populations en payent les frais. L’on assiste donc à un laxisme s’il faut le dire, de la part des deux parties prenantes que sont le gouvernement camerounais par ses démembrement ministériel de l’administration territoriale et de l’urbanisme, et les populations.
La protection des citoyens et l’évaluation des risques au Cameroun incombent à la direction de la protection civile logée au ministère de l’Administration territoriale. Le ministre devrait prendre ses responsabilités en main.
« Cette fissure est déjà grande. Ça s’élargit davantage. Nous allons dresser un rapport que nous allons adresser au Chef de l’État. Il donnera des orientations et ceux qui sont chargés de gérer le problème vont s’atteler à cette tâche. Les gens sont allés construire en bas du rocher. C’est extrêmement dangereux », déclarait le ministre P. Atanga Nji en 2018 à la suite d’une descente sur le terrain dans la zone de Akok Ndoé, où un énorme rocher suspendu menaçant de s’écrouler sur les maisons environnantes, faisait les choux gras de la presse.
Cinq ans plus tard, on est sans nouvelles de la suite reservée à cette descente de la direction de la protection civile du ministère de l’administration territoriale.
Et si l’ONAC apportait son aide ?
l’Ordre National des Architectes du Cameroun (ONAC) veut apporter son expertise pour aider à déterminer les raisons de cet éboulement.
« Nous sommes conscients de l’ampleur de la catastrophe et tenons à adresser nos condoléances aux familles éplorées. Nous prenons la mesure de l’importance à contribuer à éviter de telles tragédies dans l’avenir. En tant qu’architectes, notre devoir est de concevoir et de construire des espaces de vie sécurisés », indique Jean-Christophe Ndongo, dans un message de condoléances adressé aux victimes rendu public le lendemain du drame.
Selon le président de l’ONAC, seulement 2% des bâtiments construits au Cameroun passent par ce corps de métier. Pour inverser la courbe, l’ONAC entend accompagner le gouvernement dans la lutte contre tout ce qui est frauduleux en matière d’architecture et de bâtiment.
« Nous vous confirmons notre engagement dans la collaboration avec les autorités locales dans les aménagements urbains réglementaires en vue d’assurer votre sécurité », affirme son président.
Qu’en dit-on des victimes ?
Les secours sont quand même arrivés malgré l’accès difficile sur le lieu du drame. Et avec l’aide des volontaires, les recherches pour sauver quelques rescapés sous les décombres sont entamées. En plus de s’assurer de l’effectivité de la prise en charge des sinistrés telle que prescrite par le Président de la République, le Dr Manaouda Malachie accompagné du ministre de la Communication, René Emmanuel Sadi ont tenus à compatir à la douleur des victimes et sont allés au chevet de chaque patient, pour évaluer les dégâts et s’enquérir de la situation des blessés.
Au total, 11 victimes dont 8 internés au Centre des Urgences de Yaoundé (CURY) et 3 admis en soins à l’Hôpital Central de Yaoundé (HCY) pour des motifs de traumatisme crânien avec perte partielle de la mémoire, fractures ainsi que de multiples lésions. Aucun pronostic vital engagé mentionné jusqu’ici. Parmi ces victimes, deux jeunes enfants âgés respectivement de 9 ans et 3 ans. Le plus petit aurait perdu ses deux parents dans l’incident.
Comme mesures d’accompagnement prescrites, le ministère de la santé publique a suggéré pour le petit de 3 ans signalé orphelin, et dont aucun membre de la famille ne s’est présenté, une insertion dans un orphelinat. Par ailleurs, un accompagnement psychologique pour éviter toute psychose post traumatique a été encouragé.
Si l’État est garant de la sécurité des ses populations, la faute lui revient en grande partie. Il met donc en évidence l’article 1382 du code civil camerounais qui selon lequel, tout dommage causé à autrui, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. La direction de la protection civile du ministère de l’administration territoriale conduite par Angèle Ndzie Ntsama a procédé à la distribution d’un important matériel aux victimes de cet éboulement. Il s’agit de sacs de couchage et de produits de première nécessité.
Ce drame nous plonge donc encore dans une réflexion. D’abord c’était Gouache, pour ne commencer que par là, ensuite Damas, et maintenant Mbankolo. C’est l’occasion d’appeler la grande population de la ville aux sept collines, à une prise en compte des ces situations démographiques. Pour les pouvoirs publiques, il serait impérieux d’analyser de font en combe cette situation démographique afin de prévenir davantage des éventuels dangers et d’éradiquer drastiquement l’occupation galopante des zones à risque.